22 janvier 1918 : Mon
cher petit Marcel, c'est avec plaisir que j'ai reçu ta gracieuse
carte. C'est bien d'écrire comme çà à ton
petit papa. Tu peux me croire comme j'ai été content de
voir le pont de Coudol. Et surtout ces quelques mots qu'il y avait
dessus. Aussi pour ta peine tu embrasseras maman pour moi, ainsi que
André et Marcelle, sans oublier les pépé et les
mémé. Ton petit papa qui t'aime beaucoup et t'envoie
beaucoup de poutous.
22 février 1918
: Mon cher petit Marcel, tu dois dire que ton petit papa t'oublie de ne
pas t'avoir fait réponse à ton aimable carte que tu m'as
envoyé. Je voulais t'envoyer une carte d'ici mais je n'en ai pas
trouvé, alors je t'en envoie une d'Epinal que j'avais sur moi.
Je te félicite tu écris bien, bientôt tu vas
apprendre à la demoiselle qui te fait l'école, aussi ton
petit papa t'envoie mille poutous ainsi qu'à André et
Marcelle. Tu embrasseras maman pour moi ainsi que les
pépé et mémé. Tu lui diras que je suis
toujours à la scierie et en bonne santé.
Le 23 février, coup de main sur
le pont d'Aspach avec le 80ème, 1 tué le s/m
FAUVEL.
L'OISE ET LE KEMMEL.
Le 24 mars, le Compagnie
est relevée.
Le 4 avril, la Cie 16/2 débarque à Persan
en Beaumont (Oise).
22 avril 1918
:
Ma chère Maria, je viens à l'instant de recevoir ta
lettre datée du 16 qui m'a fait grand plaisir en vous sachant
tous en bonne santé, quant à moi j'en suis de même.
Je t'envoie le village où nous étions cantonnés en
1915. Il était à 1 km des lignes, à présent
ils en sont à 10. Nous avons commencé nos travaux qui se
trouvent à 400m. On travaille de 7 h du matin à 10 h et
de midi à 4 h du soir. Hier soir en écoutant la musique
anglaise j'ai rencontré Adolphe HEBRARD, ils sont
cantonnés dans le village eux aussi ainsi que MERLET, si tu
rencontres leurs familles tu leurs diras qu'ils sont bien placés
pour le moment et en bonne santé. Le ravitaillement se fait un
peu mieux, aujourd'hui nous avons touché trois quarts de vin,
c'est meilleur que la bière qu'on nous avait l'autre jour faute
de vin et comme viande, du porc, il était excellent. Je suis
obligé de t'effacer le nom du village ( BERLES AU BOIS - PAS DE
CALAIS).
Jusqu'au 3 mai, elle se déplace
par de longues marches jusqu'en Belgique près de
Poperinghe.
Le 4 mai, elle relève le Génie des
25ème te 49ème D.I. Britanniques.
Le 5 mai, le Compagnie est
engagée dans la région du Kemmel. Malgré les gaz et
les obus, des passerelles sont lancées sur le Vyverbeck
et une position est préparée en arrière de la première ligne.
6 mai 1918 : Mon
cher petit Marcel, je te remercie de la carte que tu as bien voulu
m'envoyer. C'est aussi avec plaisir que je t'envoie ces quelques mots
et en même temps beaucoup de poutous.
6 mai 1918 : Ma
chère Maria, je viens de recevoir te lettre datée du 2
qui m'a fait grand plaisir vous sachant tous en bonne santé,
quant à moi j'en suis de même. Ce matin nous avons
commencé le travail, il est excellent, Oh! pas comme chez nous,
mais pour un secteur comme celui-ci c'était du pain béni.
Nous commençons à 5h du matin jusqu'à 10h et nous
avons toute la soirée et la nuit pour nous reposer. Seulement
c'est un peu loin, mais j'aime mieux marcher un peu et être un
peu plus tranquille. Mon frère vient de me donner de ses
nouvelles, il est en bonne santé et croit de partir en perm vers
le 14 ou le 15 de ce mois. Quant à moi ce sera pour la fin du
mois comme je te l'ai déjà dit.
7 mai 1918
: Ma chère Maria, ce matin nous nous sommes mouillé un
peu au travail, il a fait orage, mais tu sais c'est le temps du
coucou comme on dit, deux heures de soleil et c'est cec, il vaut mieux
comme çà. J'ai trouvé un autre tricot qui n'a pas
été porté, il est un peu sale d'avoir
trainé, je te les expédierai un de ces jours.
10 mai 1918
: Mon cher petit Marcel, vivement que ce beau jour arrive, que je
puisse t'embrasser bien fort. En attendant reçois de ton papa,
qui est toujours en bonne santé, ces meilleurs baisers. Tu
embrasseras Marcelle pour moi.
10 mai 1918
: Mon cher André, tu diras à maman que j'ai fais un
colis, il y a deux tricots anglais, elle n'a qu'a les laver ils sont
tout neufs. Ton oncle vient de m'écrire, il me dit qu'il part en
renfort au 99èmè d'Infanterie avec DELLAC. Il n'a pas de
chance pour sa perm, il partira sans doute sitôt arrivé
à sa nouvelle formation.
Citation : Cité à l'ordre du Régiment le 19 mai 1918 - " gradé brave et énergique, au front depuis 1914, a dirigé avec le plus grand calme l'exécution de passerelles en premières lignes sous de violents tirs de barrages ennemis, montrant le plus bel exemple aux sapeurs".
18 juin 1918
: Ma chère Maria, je viens de recevoir deux lettres de mon
frère, la première il me dit qu'il est monté trois
jours en ligne et qu'il ne faisait pas bon. La deuxième qu'ils
sont relevés et qu'ils sont au repos du côté de
Lunéville. On n'est pas loin l'un de l'autre mais assez pour ne
pas nous voir. Sa Division a été esquintée, de
nouveau ils ont reçu un autre renfort. FRAUNIE te PLANtADE le
mari de Margueritte DOUJET en sont du nombre. Il me dit qu'il y en a
beaucoup de vieux qui ont été tués ou
blessés et qu'il a eu de la chance d'être en perm. DELLAC
s'en est sorti.
Le
12 juin, la Compagnie se rend en Lorraine.
LA
LORRAINE :
Le juin, travaux à Villers les
Moivrons, Moivrons, Leyr, Caudale
et Bouxières.
Le 6 juillet, la Compagnie
effectue un coup de main sur le pont de Manhoué. Elle
franchit la Seille sur des passerelles au Moulin Chambelle
avec le 143ème, ils n'ont rencontré aucun ennemi.
19 juillet 1918 : Ma
chère Maria, je vais te dire que je n'ai pas encore reçu
le colis, c'est peut-être l'offensive boche qui en est la cause
du retard, tout a été arrêté. Les boches
aussi, je crois, ont été arrêtés.
D'après les journaux on aurait avancé de 14
kilomètres et repris 22 villages, çà va leur
donner à réfléchir.
25 juillet 1918
: Ma chère Maria, je suis toujours à la scierie, le temps
est admirable, il fait ni froid ni chaud. question de nourriture,
çà laisse un peu à désirer, c'est par
période, le pain n'est pas si dur depuis qu'il a plu, mais on en
trouve quelques boules de moisies et je te promets qu'il n'est pas bon.
Je crois que c'est partout pareil.
Le 18
août, le Cie est relevée par la Cie 5/2 du 21ème Bataillon du
Génie.
Le 24 août, elle embarque à Jarville
et débarque à Longueuil Sainte Marie (Oise) et marche
à Royallieu près de Compiègne.
Le 30 août, elle arrive à Pont Saint Mard (Aisne).
L'AISNE : Passage de l'Ailette, l'ennemi recule.
Le 2 septembre, le 143ème poursuit les allemands jusqu'au canal de l'Ailette. La Cie 16/2 établit des passerelles sur le canal de l'Oise à l'Aisne et sur l'Ailette, pour faire franchir le 143ème. La poursuite continue vers Coucy le château.
18 septembre 1918 : Ma
chère Maria, me voilà arrivé à la 9/3T,
depuis hier au soir. Je t'assure que je suis dans mon milieu, ici nous
sommes tous à peu près du même âge. C'est un
peu plus intéressant. Je ne crois pas y rester longtemps, nous
allons rejoindre le dépôt à Montpellier où
je ne tarderai pas à partir en perm. J'ai eu un peu de mal de
quitter mon escouade, depuis 3 ans qu'on
était ensemble c'était un peu comme une famille. MORA, de
Marmande, je crois qu'il ne tardera pas aussi à quitter le
Compagnie, puisqu'il est de la classe 1903. Ecris toujours à la
même adresse jusqu'à ce que je sois à Montpellier,
on doit me faire parvenir les lettres.
19 septembre 1918
: Ma chère Maria, je suis toujours à
Villers-Cotterêts en attendant mon départ pour Montpellier
qui je crois ne va pas tarder. Ici on est assez bien nourris, c'est
à peu près comme à la Compagnie. En ville on ne
trouve pas grand chose car les civils avaient
déménagé lors de l'offensive boche, ils reviennent
petit à petit. Ce n'est pas trop abîmé quand
même. Les soldats ils n'étaient pas venus loin. Hier il
est passé 1300 prisonniers qui venaient du côté du
Chemin des Dames. Il parait que çà y tappe de ce
côté là, ainsi que du côté de Saint
Quentin.
20 septembre 1918
: Ma chère Maria, je suis de passage au Bourget,
après-demain je serai à Montpellier. J'espère que
la cannonade ne m'empêchera pas de dormir.
Henri rentre au dépôt le 24 septembre 1918
24 septembre 1918
: Ma chère Maria, me voilà arrivé à
Montpellier après 4 jours de voyage. Pas trop fatigué,
quand même on était dans des wagons à bestiaux avec
de la paille, celà fait qu'on a pu se coucher. Cette nuit j'ai
bien dormi aussi, malgré les punaises qui nous mangeaient. Tous
les jours je t'enverrai de mes nouvelles. Ma nouvelle adresse :
BISSIERES Henri Caporal 2è Génie Compagnie D28
Montpellier.
11 octobre 1918 : Montpellier,
Ma chère Maria, me voilà arrivé depuis ce matin
à 6 heures. J'ai fait un bon voyage, je ne suis pas
fatigué comme quand je montais directement sur le front. J'en ai
encore pour au moins trois semaines avant de partir, et encore ceux qui
viennent de partir sont dans un camp du côté de Toulon. Ce
soir nous allons manger le poulet avec deux autre camarades.
13 octobre 1918
: Montpellier, Ma chère Maria, hier je n'ai pas donné de
mes nouvelles, ici ce n'est pas utile que d'écrire tous les
jours. J'ai reçu des nouvelles de mon frère, il me dit
qu'ils ont été relevés et qu'il lui tarde bien
d'aller en perm pour se reposer car il est bien fatigué. Il m'a
annoncé la mort de ce pauvre MOUCHET. On avait bien raison de
dire qu'il y avait quelques jours qu'il n'avait pas donné de
nouvelles, il reçu une balle en pleine tête. Aujourd'hui
je vais aller faire les commissions qu'on m'a donné.
16 octobre 1918
: Montpellier, Ma chère Maria, ici toujours pareil, pas beaucoup
de travail, mais aussi pas trop bien nourri. Le temps est beau, il fait
un soleil splendide, sauf que le vent souffle très fort. Par
moment c'est le pays du Mistral.
18 octobre 1918
: Ma chère Maria, hier nous avons été
piqués contre le choléra et contre la variole, jeudi
prochain une autre piqure contre le choléra et l'autre semaine
contre la typhoïde. Moi je ne sais pas si je serai piqué
car je l'ai été une fois cette année. Comme
travail nous allons à la promenade tous les jours, matin et
soir. Les communiqués sont bons, j'ai confiance que la guerre
finira bientôt. Je te mets ces quelques tickets qu'on m'a
donné à la gare de Moissac, n'en ayant pas d'autre, toi
tu les feras passer.
19 octobre 1918
: Ma chère Maria, mon frère m'a écrit hier, il est
au repos du côté de Mourmelon. Il me dit que le conducteur
qu'il remplaçait va rentrer sous peu et qu'il pense partir quand
il sera là. S'il arrive cette semaine je demanderai une perm
pour diamanche prochain, s'il n'y a pas de changement. Oh! ce ne
sera pas une longue perm, çà me vaudra 48 heures, c'est
bien assez pour nous voir. A la cantine je viens de voir une dizaine de
prisonniers français rappatriès d'allemagne, ils nous
disaient que les boches crevaient de faim, qu'ils ne tiendront pas
longtemps, les civils le leurs disaient. Vivement que la fin arrive.
23 octobre 1918
: Montpellier, Ma chère Maria, je n'ai jamais de vos nouvelles,
pourtant depuis que je suis de retour je trouve celà un peu
long. Il pleut depuis deux ou trois jours, celà fait qu'il faut
rester à la chambre. Hier il est parti un détachement de
134, ils vont dans un camp tout près de Toulon. C'est là
où ils préparent les convois. Je crois que la semaine
prochaine je vais décaniller aussi. Je t'ai bien envoyé
que j'allais demander 24 heures, mais il ne faut pas trop y compter.
Henri embarque pour l'Orient , le 8 novembre 1918.
12 novembre 1918
: Puget sur Argens, Ma chère Maria, je n'ai pas besoin de te
dire la joie que j'ai eu en apprenant la signature de l'armistice,
c'est la fin de ce cauchemard et de cette boucherie. Il me tarde bien
d'avoir des nouvelles de mon frère car j'en ai de personne
encore. Je suis toujours au camp, il y en a qui disent qu'on va revenir
à Montpellier. Je le souhaiterai bien car si on va là
bas, on sera obligé de faire un peu de rabio.
13 novembre 1918
: Puget sur Argens, mon cher Marcel, c'est avec une grande joie que je
t'écris ces quelques mots, la fin de cette horrible guerre vient
de se terminer, quel poids en moins sur la poitrine. J'espère
que dans quelques jours prochains ce sera la grande perm, on n'aura pas
le souci de repartir. Je t'envoie cette carte pour te faire voir le
beau pays où je suis. Il a fallu la guerre pour que j'y vienne.
C'est le commencement de la côte d'azur. Hier on a eu repos en
l'honneur de l'armistice et je l'ai passé au bord de mer.
14 novembre 1918
: Puget sur Argens, Ma chère Maria, ici c'est toujours le
même travail, j'arrive à l'instant avec mes huit hommes du
potager, à 1 heure on y reviendra jusqu'à 4 heures. Hier
au soir j'ai reçu ta lettre du 12 ainsi que celle de mon
frère que tu m'avais annoncé, tu parles que je suis
content de le savoir auprès de vous en bonne santé.
D'après ce qu'il me dit il a participé à une
attaque, il a eu de la chance de s'en sortir et bien il repartira avec
un meilleur moral.
16 novembre 1918
: Puget sur Argens, mon cher André, et bien qu'est ce que tu
fais de bon, as tu commencé les sabots, c'est vrai que vous
devez faire les semences pour le moment. Et la pêche, il
paraît qu tu y as été avec ton oncle, est ce
qu'elle a été fructueuse. L'année prochaine
j'espère que nous irons plus souvent que ces années de
guerre que nous venons de passer. Tu souhaiteras le bonjour à
Marie BENAC.
20 novemnbre 1918
: Puget sur Argens, ma chère Maria, j'apprends aujourd'hui que
la classe 97 ne part pas à Salonique, les classes au dessous va
falloir y aller faire un petit tour. Peut-être qu'avant que nous
partions il y aura encore du changement.
25 novembre 1918 :
Camp de Puget sur Argens, ma chère Maria, tu ne sais pas , je
suis Caporal d'ordinaire depuis ce matin, j'ai remplacé un
Caporal qui est parti pour Salonique. J'ai 274 hommes à faire
manger, tu vois que j'ai quelque chose à faire. J'ai une vieille
femme qui vient aider les cuistots.
26 novembre 1918
: Camp de Puget sur Argens, mon cher Marcel, c'est avec grand plaisir
que j'ai reçu ta lettre datée du 23. Je suis content de
vous savoir tous en bonne santé, quant à moi j'en suis de
même. tu me dis que tu es content que la guerre soit finie, moi
aussi mon petit Marcel, je voudrais être à
côté de vous. Je n'oublierais pas de t'apporter une
carabine car tu apprends bien tes leçons et que tu es bien
mignon.
28 novembre 1918
: Camp de puget sur Argens, mon cher André, je réponds
à ton aimable lettre datée du 25 qui m'a fait grand
plaisir sachant que vous êtes tous en bonne santé, quant
à moi j'en suis de même. Tu me dis que vous allez
commencer de scier du bois pour faire des sabots. Pour voir si tu lui
en gacheras quelques un à grand-père, fais bien
attention à ce qu'il te fera voir. Je vais te dire que samedi
nous allons partir pour Salonique. Oh nous n'y sommes pas
arrivés encore, nous en avons pour quinze jours. Les lettres
faudra prendre patience car elles n'arriveront pas si vite. Enfin, faut
espérer que ce ne sera pas pour longtemps. Et que sitôt
arrivé là-bas on parle de nous faire revenir.