Boulogne 21 janvier 1916 : Carte
signée DAUCH. Ma chère cousine, J'ai envoyé
à Henri, il m'a fait réponse de suite, il me dit qu'il se
porte bien et qu'il est fatigué de guerre. On voit beaucoup
d'automobiles et d'aéroplanes, comme chez nous les pigeons, on
voit de tout. Une autre fois je vous fera une lettre pour vous dire
plus. Bien le bonjour. DAUCH, cantonnement d'Aguesseau, 2ème
Compagnie, 90ème section, Boulogne sur Seine.
Le 23 janvier, le 143ème cantonne à Beugneux (2°B), Savernay (1°B) et Grand Rozoy (EM, CHR, CM, 3°B)
Le 27 janvier, le 143ème relève le 238ème dans le secteur de Saint Waast. Le 3ème Bataillon à gauche du saillant Saint Paul inclus à l'Aisne (Distillerie).
Le 12 février, le 143ème
repousse une attaque locale sur La Distillerie, le 3ème Bataillon est en ligne.
JMO du 143ème :12 février
:Toute la journée, le sous-secteur subit un violent bombardement d'obus
de tous calibres et de torpilles; à 16 h 55 le bombardement devient
plus intense et est concentré sur les premières lignes et en
particulier sur le secteur de gauche. A 17h10, les allemands débouchent
brusquement des abords de la Verrerie et s'élancent vers la portion de
tranchées comprise entre le flanquement Vignolas et la maison des deux
Gosses. Au nombre de 40 environ, dont 10 pionniers porteurs de
grenades, d'autres armés de couteaux et de révolvers et comandés par 4
officiers, ils se heurtent d'abord au petit poste dont ils massacrent
les occupants après une défense héroïque et profitant de la faible
densité de notre ligne, réussissent à prendre pied dans l'élément de
tranchée précité. Aussitôt, le Lieutenant VIDAL commandant la 10ème
Compagnie, après avoir déclanché un tir de barrage, rassemble ses
fractions de soutien et se lance à la contre-attaque. Le Sous-Lieutenant BRAINNE
en tête de sa section se trouve face à face avec un officier allemand
qui tire sur lui un coup de pistolet et le manque; le Sous-Lieutenant
BRAINNE le tue. La tranchée est nettoyée en quelques instants des
allemans qui avaient réussi à y prendre pied. Deux blessés allemands
dont un officier restent entre nos mains. Peu à peu le calme se
rétablit. La nuit est mise à profit pour réparer les dégâts occasionnés
par le bombardement et installe de nouvelles défenses accessoires. Les
pertes pour la journée sont de 3 tués, 7 blessés et 2 disparus.
Le 28 février le 3ème Bataillon est relevé et cantonne à Baslieux. Le 28 février, le 342ème et le 3ème Bataillon du 143ème font mouvement pour la région de Fismes d'où le 96ème a été enlevé en raison des affaires deVerdun.
Le 6 mars, le 3ème Bataillon revient à Beugneux.
Le 10 mars le 3ème Bataillon relève en 1ère ligne (secteur D) le 1er Bataillon.
17 mars 1916 : Chère
Maria, je viens de recevoir à l'instant ta lettre du 14 mars et
je m'empresse de te faire réponse. Je t'envoie cette carte pour
te faire voir à peu près le paysage que nous habitons.
C'était un charmant pays et encore il n'est pas trop mal, la
guerre ne l'a pas trop déterrioré. Il y a des peupliers
comme au bord de la Garonne. Les poissons, il y en a des masses, je me
crois souvent au bord du canal du midi, il est plus large celui-ci.
Demain je t'enverrai la cathédrale, tu verras c'est quelque
chose de joli, seulement elle n'est pas intacte, il y a quelques trous
d'obus. Tu me demandes si les galettes étaient bonnes, ma foi
oui, mais çà ne vaut pas les gateaux que tu m'avais
envoyés quoique elles sont recherchées et sont faites par
un patissier, c'est fait comme une milliassine. je suis content que tu
ais reçu le billet, je pense que tu dois avoir reçu
l'autre, il est parti le lendemain. Quand j'aurai la réponse que
tu as reçu le second, je t'enverrai un troisième. Car le
20 mars nous allons recevoir le prêt 2f70 et tu sais, ic,i on ne
fait de grosse dépense.
17 mars 1916 : Mes
chers parents, voilà quelques jours que vous n'avez pas eu de
mes lettres, mais que ce soit à vous autres ou à Maria,
c'est tout pareil. Comme j'ai eu l'occasion d'acheter quelques cartes
aujourd'hui, je me suis dit que çà vous ferait plaisir de
recevoir quelques mots. je n'ai pas grand chose à vous annoncer
car vous n'êtes pas sans savoir de mes nouvelles. J'écris
tous les jours, je suis très bien pour le moment. Je me plains
que je n'ai pas assez de travail, on ne peut pas faire la
digestion commei il faut quand on ne fait rien. je voudrai quand
même que çà dure jusqu'à la fin de la
guerre. J'ai reçu une lettre de mon frère avant-hier. Je
lui ai fait réponse ce matin, il se porte bien et son secteur
est assez tranquille. Il me dit qu'il a vu Alphonse qui revenait de
permission et lui y serait revenu bientôt, seulement les
permissions sont supprimées chez eux, d'ailleurs il doit vous
l'avoir dit. Chez nous elles marchent toujours, mais encore mon tour
est loin at je préfèrerai la grande. Je termine en vous
souhaitant bonne santé et en vous embrassant bien fort. Vous
souhaiterez le bonjour de ma part à la famille VERDIER, à
Isorine et à la famille BARREAU.
18 mars 1916 : Ma
chère Maria, comme je te l'avais promis hier, je t'envoie la
cathédrale. C'est un joli monument, c'est dommage que les obus
l'ont un peu déterrioré. Hier soir j'ai reçu une
lettre de mon frère, il se porte bien son secteur est calme. le
temps est divinement beau, je crois que l'hiver va être
passé.
24 mars 1916 : Ma
chère Maria, Je suis toujours au même poste. J'ai un homme
qui lit et l'autre fend du bois pour ce soir. Le temps va être
revenu à la pluie. Il a plu cette nuit et le ciel est
chargé de gros nuages mais il ne fait pas froid. Je vais te dire
le menu d'hier soir. On a bien soupé, soupe aux haricots que
nous faisons tous les soirs. C'est dans des boites, on à
qu'à le délayer dans de l'eau froide et le faire
bouillir. Macaronis au gratin, bouef en sauce, salade et des
prunes cuites au vin, café et pousse café. tu vois
qu'avec çà on peut dormir jusqu'à huit
heures.
Le 3 avril le 1er Bataillon relève le 3ème qui va cantonner à Beugneux.
Le 7 avril, le 3ème Bataillon va cantonner à Courmelles en réserve de D.I.
17 avril 1916 : Ma
chère Maria, voilà trois jours que je n'ai pas de vos
nouvelles. Il me tarde d'en recevoir, j'espère que demain
j'aurai plus de chance. Pour le moment je travaille de mon
métier à l'atelier du génie avec un jeune
charpentier. Tandis que mes camarades de la section vont travailler la
nuit pour faire une route. petit Marcel, je t'envoie des petits enfants
que tu vera sur la carte, ils sont bien mignons. Comme toi, ils
pourront dire qu'ils ont vu la guerre de près ceux-là. Il
y en a un où j'ai porté mon linge pour me le faire laver
qui n'a que 18 ou 20 mois. Je m'étonne comme ces gens restent
là, c'est vrai que c'est bien tranquille. Mais çà
ne fait rien, quelque bon jour ils pourraient bien se faire
bombarder. Je le dis souvent , si j'étais à leur place il
faudrait me payer cher pour y rester tous les jours. Tous les magasins
sont ouverts, on ne dirait pas que l'on soit si près des boches.
22 avril 1916 : Ma
chère Maria, demain c'est le fête de Paques, je ne crois
pas que nous ayons repos. Si dans tous les cas nous en avions, j'irai
à la messe. Demains nous avons un paquet de tabac, un paquet de
cigarettes et un cigare chacun et un litre de vin en supplément.
Cà nous fera un litre et demi, c'est la première fois
qu'on nous en donne autant. J'ai reçu une carte de Jules
VERDIER, il me dit qu'il vient d'arriver de permission. Il me donne des
bonnes nouvelles de vous autres. Il n'a trouvé que la petite
Marcelle qui était un peu souffrante, mais il me dit que ce
n'était rien.
23 avril 1916 : Ma
chère Maria, je t'envoie la photo du camarade qui était
avec moi aux passerelles, le Vendéen, je lui avais donné
la mienne. Comme je te l'avais annoncé hier, nous n'avons pas eu
de repos. Je n'ai pas pu aller à la messe, faut espérer
que l'année prochaine bous aurons plus de chance. J'ai
reçu ta lettre du 21 où tu me dis que j'ai besoin de
quelque chose et bien tu pourras m'envoyer un saucisson et deux
mouchoirs. Je n'ai pas besoin d'autre chose, des chemises j'en ai
quatre, trois toutes neuves. Tu pourras m'envoyer un tricot de
flanelle, j'en ai un que je ne peux plus y rentrer dedans.
25 avril 1916
: Ma chère Maria, je vais te dire que ici le temps est au beau.
Aujourd'hui il a fait bien chaud, nous arrivons vers le beau temps.
Encore une fois et toujours cette maudite guerre qui nous retient ici.
Si çà continue encore d'être toujours tranquille
comme nous le somme, depuis que l'on est dans ce secteur,
çà irait bien. Les permissions marchent toujours, il en
part toujours quelques un; Mon tour se rapproche, dans quatre mois et
demi si elles ne s'arrêtent pas.
Le 28 avril, le 3ème Bataillon relève la 1er Bataillon dans le secteur D.
6 mai 1916
: Ma chère Maria, je fais réponse à ta lettre du 2
que je viens de recevoir en même temps que celle de mon
frère. Il se porte bien, il me dit qu'il a vu Joseph FICHE et
ROUJEAN de Lacassine qui viennent du dépôt. Sans doute
qu'ils ont été évacués comme malades. J'ai
reçu les roses que tu m'as envoyé, je vous remercie et je
jes ai embrassées comme si je vous avais embrassé
à vous autres. Tu me dis que RACHAL est allé chez vous et
qu'il doit m'écrire, j'en serai très content, on
était très bons camarades.
Le 23 mai, le 1er Bataillon relève le 3 ème qui va cantonner à Courmelles.
Le 5 juin le 3ème Bataillon va cantonner à Busancy.
Le 7 juin le 3ème Bataillon va cantonner à Branges et Braisnes.
Le 28 juin, suite à une réorganisation, les 2è 8è et 11è Cies sont désignées pour former le dépôt de la 32è D.I.. les 2è et 11è Cies deviennent les 4è et 12 è Cies.
Le 6 juillet, le 143ème se porte dans la région de Fismes.
Le 8 juillet, le Régiment se porte dans la région de Fère en Tardenois.
Stationnement de la 32è DI le 10 juillet 1916
Cette situation coupée de repos, de marches et de déplacements divers dure jusqu'au 12 juillet. Date à laquelle le Régiment s'embarque à Fère en Tardennois et débarque à Givry en Argonne pour participer à son tour à la Bataille de Verdun.
Du 12 au 21 juillet le 3ème Bataillon cantonne à Givry en Argonne.
18 juillet 1916 : Ma
chère Maria, c'est avec plaisir que j'ai reçu ta lettre
du 15. Je vois avec satisfaction qu'elles arrivent sans retard. Je suis
toujours au même endroit, on ne nous embête pas trop. Hier
soir j'ai passé la soirée avec TOUGA, l'ordonnance du
Lieutenant BLANCHECOTTE et il te souhaite le bonjour. Tu me demandes si
j'ai besoin de l'argent et bien tu m'enverras un billet dans la lettre.
J'ai toujours le même temps, pluie de temps en temps.
22 juillet 1916
: Ma chère Maria, je te fais réponse à ton aimable
lettre du 19, que je viens de recevoir à l'instant, toujours
avec plaisir. Tu me demandes si je trouve de quoi acheter, pour le
moment oui, mais où nous allons ce sera impossible. Tu feras
bien de m'envoyer un saucisson ainsi que du papier à lettre. Ici
le temps commence à chauffer, nous avons changé de
cantonnement ce matin. Nous avons fait dix huit kilomètres et on
commençait à en avoir assez.
Le 22 juillet, le Régiment cantonne à Triaucourt.
Le 7 août, le 143ème cantonne à Condé en Barrois, le 3ème Bataillon à Génicourt.
VAUX-CHAPITRE
Localisation de la Haie Renard
Le 12 août, le Régiment cantonne à Verdun à la Citadelle. Les officiers vont reconnaitre le segment de la Haie Renard dans le bois de Vaux-Chapire, occupé par le 65ème.
13 août 1916 : Ma
chère Maria, je vais te dire mes distractions d'aujourd'hui, ce
matin j'ai été à la messe et puis après la
soupe nous sommes partis en promenade à la campagne avec des
provisions pour gouter sur l'herbe. Je te promets qu'il fait bon, le
ciel est un peu couvert, il ne fait ni chaud ni froid, c'est un
plaisir. Nous sommes le long d'une petite rivière comme la
Sère. Tu sais que c'était mon rêve le dimanche,
seulement c'est les lignes qui me manquent ici. je vois sur les
journaux que les Russes ainsi que les Italiens marchent bien.
Espérons qu'à la fin de l'année on verra la fin de
la guerre. Voilà trois jours que je n'ai pas de vos nouvelles,
jespère que ce soir j'en aurai. C'est pas que je me fais
beaucoup de mauvais sang, je préfère que tu en ais tous
les jours des miennes. Enfin je te quitte en t'embrassant bien fort
à demain.
Le 13 août, le 143ème occupe des positions délicates au sud du ravin des Fontaines, accroché à la croupe de la Haie Renard. L'ennemi domine le sommet dans l'ouvrage triangulaire et la tranchée de la Haie renard.
Il bombarde les pentes du 14 au 17 août, infligeant au 143ème des pertes sévères : 86 tués, 282 blessés, 27 disparus.
17 août 1916 : Ma
chère Maria, à l'instant où je t'écris je
viens de faire la chambre car je ne suis pas allé au travail.
Hier et aujourd'hui j'étais un peu dérangé et la
Major m'a donné deux jours. Alors je fais des petites
corvées. La chambre n'est pas bien grande, nous ne sommes que
huit. Nous avons des allaises, on est pas trop mal, çà
vaut mieux qu'à Massiges et Tahure l'année
dernière. Rassures toi sur ma maladie, elle n'est pas grave.
Le 18 août, le 143ème attaque la tranchée allemande de la Haie Renard. L'ennemi laisse investir ses premières lignes pour lancer une contre-attaque meurtrière.
Jusqu'au 22 août, malgré ses effectifs réduits aux 2/3, le 143ème défend les maigres positions chèrement conquises. Pendant ces huit jours de combats incessants, il a perdu : 24 officiers et 940 hommes tués ou blessés.
Le 22 août, le Régiment est relevé et cantonne à Belleray.
23 août 1916 : Ma
chère Maria, j'arrive du travail et me voilà encore pour
48 heures de repos. Tu verras, d'après la photo que je t'envoie,
que nous sommes dans les bois et tu sais nous ne sommes pas seuls, tous
ces bois sont habités plus que jamais il n'y en a dans les
villes.
Du 23 août au 13 septembre, le 143ème se rend à Moulin Brûlé, puis en auto à Charmontois l'Abbé. Il est complété par environ 1000 hommes de la classe 1916.
26 août 1916 : Ma
chère Maria : Le temps ici est toujours beau, si dans le midi il
est pareil, vous devez être contents pour faire les vendanges. je
ne pense pas que ce doit être le moment, peut être elles
sont finies. Enfin, ici, si on n'a pas de raisin nous avons toujours
beaucoup de pommes. Les branches en cassent et c'est nous qui sommes
les patrons, il n'y a pas de civils.
L'ARGONNE – 304 – AVOCOURT
Le 14 septembre, le 143ème relève le 407ème R.I. dans le sous-secteur Marchand et défend les positions de la Fille Morte et des Courtes Chausses.
Le 16 septembre, Henri est affecté au 2ème Régiment du Génie – Compagnie 16/2.
Une nouvelle période de la guerre des mines va s'ouvrir. Elle a pris dans ce secteur une extension formidable. De gigantesques entonnoirs sont creusés par des charges souterraines jusqu'à 30000 kg d'explosifs.
Sous secteur Marchand 19 octobre 1916
Du 16 septembre au 22 janvier 1917, la Cie 16/2 effectue un combat de mines et camouflets au secteur du Fer à Cheval .
JMO de la Cie 16/2 : 19 septembre 1916 : La Compagnie fait un mouvement et va occuper les cantonnements de la Cie 4/51T, qu'elle relève au camps de Basse Chevrie. La Compagnie prend possession pour son compte du front de mines du secteur Fer à Cheval. La Compagnie s'occupe, en outre, de trois autres travaux, Poste de signalisation C17, Passage souterrain des Ecuries, Métro.
30 septembre 1916
: Je renouvelle ma correspondance pour te faire savoir de mes
nouvelles, n'ayant pas eu le temps de t'écrire hier et
aujourd'hui arrivé tard du travail. Alors je fais au plus court
et demain je t'en mettrai plus long, nous avons 48 heures de repos.
Aujourd'hui nous avons eu 4 morts dans une mine qui a sauté,
celà fait que nous sommes arrivés plus tard. On en a
sorti deux, un de ceux-là venait d'arriver de permission
avant-hier, il a deux enfants et un an de plus que moi.
JMO de la Cie 16/2 : 29 septembre 1916 : Incidents, SIMON et FAYARD disparus, SALAUD LEROY tués.
JMO de la Cie 16/2 : 30 septembre 1916 : Kamouflet ennemi le 29/9 à 12h30, 3 sapeurs ensevelis FAYARD SIMON SALLAUD; 1 sapeur retiré mort SALLAUD; le déblaiement continue; soldat LEROY enseveli retiré mort.
1 octobre 1916
: Ma chère Maria, profitant que je suis au repos, je l'occupe
à laver et à écrire ou à coudre.
Bientôt cà va être ennuyeux pour faire sécher
le linge à cause du mauvais temps. Il faudra plusieurs jours
pour le faire sécher, tandis que l'été dans 3 ou 4
heures c'est sec. Enfin il faut prendre le temps comme il vient. En
attendant de meilleurs jours et la fin de la guerre au plutôt
possible.
JMO de la Cie 16/2 : 1 octobre 1916 : Obsèques du s/m SALLAUD et du soldat LEROY inhumés au cimetière du Génie.
2 octobre 1916
: Ma chère Maria, j'attends avec impatience de vos nouvelles,
voilà 5 jours que je n'en ai pas et je trouve le temps un peu
long. Question du secteur c'est toujours calme, sauf quelques
camouflets que nous font les boches et que nous leur faisons. Il n'y a
pas eu d'autres victimes. le temps ici est à la pluie, c'est
l'approche de l'hiver. Génie Cie 16/2 secteur 140.
9 octobre 1916
: Ma chère Maria, il vient d'arriver une histoire assez
drôle à un camarade de mon escouade qui se trouve sur la
photo. Sa femme vient de recevoir par l'officiel qu'il était
disparu. Il se porte très bien, c'est celui que je te disais
qu'il était de Marmande. C'est un camarade à lui, ils
habitent dans le même village, qui vient de recevoir une lettre
de sa femme lui demandant si c'est vrai. Ils ont fait comme à
moi l'année dernière, enfin il vaut mieux comme
çà. Génie Cie 16/2 secteur 110.
3 décembre 1916 : Ma
chère Maria, ce soir nous venons de faire un tour à
Chalons. Nous n'en sommes qu'à trois kilomètres.
Cà nous change d'habitude d'être dans les bois. Je n'ai
pas eu encore de vos nouvelles ni des camarades de la Compagnie.
J'espère que çà ne tardera pas car je le trouve
long.
4 décembre 1916
: Ma chère Maria, je renouvelle ma correspondance pour vous
faire savoir de mes nouvelles qui sont toujours excellentes. juste ici,
si on y restait on pourrait crier qu'on les aurait. Enfin ce cera
toujours çà de passé. Comme travail, nous faisons
ce que l'on fait en première ligne, seulement comme
différence qu'on ne craint ni les bombes ni les camouflets.
Encore aujourd'hui nous n'avons rien reçu, ni l'un ni l'autre.
Et je te promets que l'on trouve le temps long. Voici ma nouvelle
adresse : BISSIERES Henri instruction Cie 16/2 - Ecole d'instruction
Cie 101/9 - 9ème Génie - S.P. (5)
5 décembre 1916 : Ma
chère Maria, j'attends toujours de vos nouvelles, notre
vaguemestre ne se presse pas. C'est bien toujours le même, il
aurait bien besoin d'un petit abattage. Je ne crois pas d'être en
perm pour la noël, car nous sommes ici jusqu'au 21, le temps de
rejoindre la Compagnie et le voyage celà nous portera au 26 ou
27.
8 décembre 1916 : Ma chère Maria, il fait un temps affreux, il pleut, il neige, il fait les quatre temps.
12 décembre 1916 :
Ma chère Maria, je fais réponse à ta lettre du 9,
que j'ai reçu aujourd'hui avec plaisir. Il fait mauvais temps,
il pleut, il neige, il fait froid. En même temps heureusement
qu'on est bien chauffés et bien couchés, j'ai deux
couvertures et la capote par dessus. Je te promets que je n'ai pas
froid. J'ai encore assez de chance de passer tous les hivers à
peu près bien. Souhaitons que celà continue. En attendant
ma prochaine arrivée, recevez de votre cher Henri ses
meilleurs baisers. Si nous partons d'ici le 21 comme on le murmure,
j'ai des chances d'arriver à Saint Nicolas le matin de la
fête de Noël.
13 décembre 1916
: Ma chère Maria, je viens de recevoir une carte de Jules
VERDIER, me disant qu'il arrive de perm, il a plus de chance que moi et
que beaucoup d'autres mais je n'en suis pas jaloux. On lui donne il
serait bien bête de les refuser. Tout le monde en ferait autant.
Plus que 8 jours à rester ici, çà irait bien que
ce soit la fin de la guerre. Les journaux nous disent aujourd'hui que
les allemands demandent la paix. Et nos gouvernants en rigolent, ils
préfèrent la à outrance.
14 décembre 1916 : Ma
chère Maria, c'est toujours avec plaisir que je reçois de
vos bonnes nouvelles. A présent j'en ai tous les jours. je te
promet que je ne suis pas trop mal pour écrire, je suis
couché, il y en a qui se chauffent, d'autres jouent aux cartes,
d'autres sont partis à Châlons. On se dirait en caserne au
temps de paix. J'ai reçu une carte de mon frère, il n'est
pas encore un ligne, mais il croit qu'il ne tardera pas. Il fait
toujours mauvais temps ainsi qu'ici. Je te remercie de l'adresse
d'Henri PAGES. Je demenderai s'il y en a de sa Compagnie pour lui faire
envoyer le bonjour. Petit Marcel, il te tarde que j'arrive, à
moi aussi il me tarde de t'embrasser ainsi qu'à André et
Marcelle et maman. Prends patiente ce sera bientôt.
15 décembre 1916 : Ma
chère Maria, le temps est un peu moins froid. Mon frère
vient de m'écrire de nouveau aujourd'hui. Il est dans la Somme,
assez en arrière des lignes, ils cantonnent dans un petit
patelin. Il y a quelques civils, çà veut dire que ce
n'est pas trop bombardé. Ils vont fare les cantonniers, il me
dit aussi qu'il n'a jamais vu tant de boue. Cà je le crois avec
tous ces camions qui passent tous les jours.
16 décembre 1916 : Ma
chère Maria, cet après-midi nous avons repos, je me
prépare pour aller à Châlons chercher mon linge
propre. Le temps est toujours le même, pluie et neige.
D'après ce que j'ai entendu dire nous partons d'ici le 22.
Vendredi prochain je serai à la Compagnie le 23, alors
n'écrit plus à cette adresse à partir du 20.